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Le Nil 

 

 

Il était une fois, il y a bien longtemps, 3000 ans avant J.C., dans un pays très lointain, un petit garçon prénommé Karoumasses. Il n’avait pas d’amis parce qu’il était bossu et très laid. Tous les enfants de son village se moquaient de lui et ne jouaient jamais avec lui. Karoumasses s’éloignait et pleurait.  

Un jour, sa mère l’envoya à la rivière pour y puiser de l’eau. Karoumasses prit deux cruches et alla à la rivière. Il remplissait ses cruches lorsqu'un jeune alligator affamé surgit à la surface pour le dévorer. Karoumasses fit un bond en arrière.

 

- « Beurk ! Que tu es laid ! Tu me coupes l’appétit ! dit l’alligator.

- Laid toi-même ! Tu ne t’es jamais vu ? Regarde-toi dans la rivière !

- Oui, je sais ! Mes copains, mes frères, mes sœurs, tout le monde me le dit. Mais pourquoi ?!!!

- Tu es tout jaune, tu as une trop grosse gueule, des dents qui dépassent, des pattes énormes et une queue beaucoup trop longue ! Tu ne ressembles à aucun des alligators de la rivière ! »

Comme il faisait très chaud, Karoumasses et le jeune alligator allèrent s’installer sous un arbre pour discuter.

- « Au fait, comment t’appelles-tu ? dit Karoumasses à l’alligator.

- Je m’appelle Ecras. Cela signifie « écaille » en langage alligator. Et toi ?

- Karoumasses ; j’ai sept ans et demi.

- Oh ! moi aussi ! Dis, tu voudrais bien devenir mon ami ?

- Oh, oui, avec plaisir, car je n’ai aucun camarade. »

C’est ainsi que Karoumasses et Ecras devinrent les meilleurs amis du monde.

 

Chaque jour, Karoumasses allait à la rivière pour voir Ecras. Ils discutaient pendant des heures et des heures. Ils se racontaient leurs malheurs, pour comparer, et aussi pour se consoler.

Un jour, en arrivant à la rivière, Karoumasses aperçut des singes qui lançaient des noix de coco et des cailloux sur son ami. Il monta à l’arbre discrètement et poussa un cri énorme. Les singes sursautèrent, certains tombèrent même de l’arbre, et tous s’enfuirent.

Le lendemain matin, Karoumasses partit pour cueillir des fruits dans la forêt. Il aperçut des chasseurs accompagnés de leurs chiens. Les chiens, effrayés par la laideur de Karoumasses, l’attaquèrent. Karoumasses s’enfuit en courant, mais les chiens le poursuivaient et finirent par le rattraper. Tout à coup, Ecras surgit des buissons devant eux. Avec sa queue puissante, il en assomma trois d’un coup. Il en dévora ou blessa cinq autres. Les derniers s’enfuirent en aboyant. Karoumasses remercia Ecras et chacun rentra chez soi.

En arrivant à la rivière, l’alligator aperçut un troupeau de buffles en train de boire. Il essaya de se faufiler entre leurs pattes pour rejoindre sa famille dans l’eau. Les buffles s’aperçurent de sa présence et commencèrent à lui donner des coups de corne et de sabots. Ecras essaya de se défendre en les fouettant avec sa queue. Karoumasses entendit cette agitation et arriva aussitôt avec une torche enflammée. Il mit le feu à la queue d’un buffle qui, en l’agitant, enflamma tous ses amis. Ils s’enfuirent en meuglant.

Le petit garçon ne se doutait pas que sa mère l’espionnait… Quand Karoumasses revint au village, elle l’appela :

- « Karoumasses ! Viens me voir immédiatement ! »

Il ne s’attendait pas à se faire gronder.

- « Tu es fou ! ces buffles auraient pu te massacrer ! Cet alligator aurait pu te dévorer ! Et on ne joue pas avec le feu ! Mais qu’as-tu dans la tête ?!!!

- Mais, Maman, je voulais juste…

- Tais-toi ! Va te coucher ! Je t’interdis de retourner à la rivière !!!

Karoumasses pleura et il alla se coucher.

 

Le soir, vers minuit, Karoumasses s’enfuit en silence par la fenêtre et alla à la rivière pour raconter ses malheurs à Ecras. Arrivé au bord de l’eau, il y plongea sa main et l’agita pour appeler son ami. Ecras l’entendit et arriva à la surface.

- « Ecras ! J’ai quelque chose d’important à te dire : ma mère a tout vu cet après-midi et depuis, elle m’a interdit de venir à la rivière.

- Moi aussi, je suis puni ! Mes parents ne veulent plus que je sorte de l’eau !

- Nous ne pourrons donc plus jamais nous voir ! Si nous voulons rester amis, il faut qu’on parte immédiatement.

- Oui, mais où ?

- Je ne sais pas ! Partons loin d’ici, là où le courant nous portera. »

Karoumasses monta sur le dos d’Ecras et ils partirent pour toujours.

Cinq jours plus tard, ils arrivèrent dans l’Océan Atlantique. Ils mirent presque un an à le traverser. Ecras attrapait des poissons chaque jour pour se nourrir. Bientôt, ils arrivèrent près de l’Espagne ; ils traversèrent le Détroit de Gibraltar, et entrèrent dans la Mer Méditerranée. Ils virent la Sardaigne, la Sicile, au sud de l’Italie, et la Crète. Ils arrivèrent enfin en Egypte et prirent un très grand fleuve, le Nil. Ils traversèrent une grande ville, Le Caire. 

 

Un peu plus loin, Ecras rencontra un clan d’alligators.

- « Bonjour, les alligators !

- Nous ne sommes pas des alligators ! Nous sommes bien plus forts, bien plus gros, bien plus féroces, bien plus beaux ! Nous sommes les crocodiles du Nil ! Et toi, tu es des nôtres ! Mais qui portes-tu sur ton dos ?

- C’est mon meilleur ami ; il s’appelle Karoumasses. »

 

Ils décidèrent de s’installer avec leurs nouveaux amis. En grandissant, Karoumasses perdit sa bosse et sa laideur. Il devint un splendide jeune homme, et quelques années plus tard le célèbre pharaon Karoumasses 1er.

Ecras devint beaucoup plus fort et majestueux. Ses amis le choisirent comme roi des crocodiles du Nil.

 

FIN

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